[CA Bordeaux, Chambre sociale section b, 17 octobre 2024]
RAPPEL DE CONTEXTE
En exerçant son pouvoir de direction et de sanction, l’employeur peut mettre à mal certains salariés. Pour autant, peut-on vraiment qualifier des manifestations émotionnelles, telles que des pleurs, d’accident de travail ?
En l’occurrence il a été jugé le 4 octobre dernier par la Cour d‘appel de Paris que tant que les propos ne sont pas excessifs et que l’exercice du pouvoir disciplinaire est administré de manière « normale », l’accident de travail ne peut pas être reconnue quel que soit le degré d’émotion de la salariée.
En revanche qu’en serait-il en cas d’exercice dit « anormal » ?
L’AFFAIRE ET LA SOLUTION
Alors qu'elle assurait une réunion en « visio », une salariée a été mise à pied à titre conservatoire et s'est vu contrainte de remettre sur le champ son téléphone et son ordinateur de fonction. L'existence d'un choc émotionnel est constatée par un certificat médical d’AT établi 2 jours après les faits. La CPAM refuse ici la qualification d'AT. La salariée a formé un recours et l'affaire est portée devant la Cour d'appel de Bordeaux qui conclut à l’existence de l’Accident de Travail. La motivation de la Cour d'appel est à retenir car on discerne qu'elle s'attache ici à caractériser l'aspect anormal (brutal ?) de l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur :
- La salariée a été interrompue alors qu'elle participait à une réunion en visio, sans qu'on lui donne la moindre explication et sans qu'on ne lui permette de s'assoir (témoignages concordants) ;
- L’entrevue a été très brève et la salariée a immédiatement montré des signes de malaise (témoignages concordants) ;
- La salariée n'avait aucun antécédent disciplinaire, ce qui conforte le caractère inattendu et la procédure ;
Pour la Cour, l'accident avait bien une origine professionnelle. Cet arrêt intervient 2 semaines après l’arrêt de la Cour d'appel de Paris ayant considéré que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire ne peut constituer en elle-même un événement soudain susceptible de caractériser un AT.
Ainsi les juges d’Appel admettent ainsi de manière implicite que la preuve d’un fait anormal peut changer le caractère professionnel ou non de l’arrêt.
L’employeur au sens large doit donc être vigilant dans la forme de l’exercice de son pouvoir disciplinaire et prendre ses précautions notamment depuis que les enregistrements clandestins ne sont plus automatiquement rejetés par le juge civil.
En bref
Les juges d’Appel admettent ainsi de manière implicite que la preuve d’un fait anormal peut changer le caractère professionnel ou non de l’arrêt