La production de témoignages anonymisés devant le juge est désormais admise sous conditions
19/06/2025
Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-19.154.
LES FAITS
Un employeur motivait le licenciement pour faute grave d’un salarié par un comportement agressif et violent de ce dernier envers d’autres salariés. Pour prouver son motif, l’employeur versait au dossier des témoignages recueillis par un commissaire de justice et anonymisés a posteriori, en raison d’un risque de représailles redouté par les témoins.
Les juges du fond avaient considéré que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’une faute grave, les deux témoignages anonymisés produits par celui-ci étant « dépourvus de valeur probante ».
LA SOLUTION
La Chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel en s’appuyant sur le principe fondamental du droit à la preuve et les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail relatifs à l’obligation de sécurité de l’employeur envers ses salariés. Elle admet que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par la partie qui les produit, lorsque sont versés aux débats d’autres éléments aux fins de corroborer ces témoignages et de permettre au juge d’en analyser la crédibilité et la pertinence ».
L’employeur avait mis en place des garanties de nature à assurer la fiabilité des témoignages reçus, ceux-ci ayant été recueillis par un commissaire de justice. La qualité de la personne ayant reçu le témoignage, ici un officier public ministériel, constitue un élément déterminant pour en assurer la crédibilité et la pertinence, comme cela avait pu être le cas s’agissant du témoignage reçu par un inspecteur du travail.
En tout état de cause, dans cet arrêt, la Chambre sociale assouplit sa position en faveur de l’employeur, en considérant que des témoignages anonymisés peuvent, à l’exclusion de toute autre pièce, rapporter la preuve des faits reprochés dès lors que des éléments contextuels justifient leur recours et que des garanties sont mises en œuvre pour assurer un juste équilibre entre les droits procéduraux des parties.