Cass. ass. plén. 22-12-2023 n° 20-20.648 BR
RAPPEL
En matière civile, notamment prud'homale, la preuve est libre. Cependant, la Cour de cassation exigeait traditionnellement que la preuve soit licite et loyale et rappelait régulièrement qu'une preuve illicite ou obtenue de manière déloyale était irrecevable et emportait automatiquement son rejet des débats.
LE REVIREMENT DES JUGES
En l’espèce un salarié exerçant des fonctions commerciales a été licencié pour faute grave en raison notamment de son refus réitéré de remettre à son employeur les éléments relatifs au suivi de son activité commerciale, refus qu'il avait exprimé lors d'entretiens avec son employeur. L'employeur prouvait la matérialité de ces faits au moyen de transcriptions d'enregistrements audio de ces entretiens réalisés à l'insu du salarié. Le salarié faisait valoir que cette preuve était déloyale et, partant, irrecevable conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation rendue en matière civile.
La cour d'appel d'Orléans lui donne raison. Aucune autre preuve ne permettant de démontrer la faute commise par le salarié, le licenciement pour faute grave est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation juge pourtant que dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
La preuve indispensable suggère qu'elle est la seule à pouvoir valablement corroborer les faits permettant le succès de la prétention. Il en résulte que celui qui produit une preuve déloyale devra démontrer qu'il n'existe pas d'autre moyen de prouver les faits.
À défaut, sa preuve sera jugée irrecevable.
En bref
L’assemblée plénière de la Cour de cassation admet désormais que le juge civil puisse tenir compte, sous conditions, d’éléments de preuve obtenus de manière déloyale, lorsqu’ils sont indispensables au droit à la preuve. Il y a ici une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation au regard du droit à la preuve et ses modalités d’application.