Les Conseils de Prud’hommes de Troyes, d’Amiens, de Lyon et de Grenoble ont respectivement décidé les 18, 19, 21 décembre et 18 janvier dernier de s’affranchir du plafonnement des dommages et intérêts que les salariés peuvent réclamer en cas de licenciement abusif ou jugé sans cause réelle et sérieuse.
En vigueur depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, le barème fixe des plafonds d’indemnités à verser par l’employeur, condamné en raison d’un licenciement abusif, en fonction de l’ancienneté du salarié afin de « sécuriser » les relations contractuelles en Droit du Travail.
Quels sont les arguments retenus par les conseillers prud’ homaux pour adopter une telle position ?
1. Le barème jugé contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du travail (OIT)
Cette convention, ratifiée par la France et d’effet direct prévoit dans son article 10 que les juges qui constatent qu’un licenciement est injustifié doivent « être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Par conséquent, les conseillers prud’homaux ont jugé que l’existence de plafond pour l’octroi de dommages et intérêts attribués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est contraire à ce principe de réparation appropriée.
2. Le barème jugé contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne
La Charte sociale européenne, ratifiée par la France et reconnue d’effet direct prévoit dans son article 24 « qu’en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »
Le Comité Européen des droits sociaux a par ailleurs précisé : « tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe, contraire à la Charte ».
Au regard de ces textes issus du droit communautaire et du droit international dont la hiérarchie des normes impose leur supériorité vis-à-vis du Code du travail, plusieurs Conseils de Prud’hommes ont soutenu que ce barème violait à plusieurs égards les textes susvisés.
Par conséquent, d’autres Conseils prud’homaux risquent fort d’assoir un tel positionnement.
En bref
Quatre Conseils prud’homaux ont jugé le barème des indemnités prud'homales contraire à la convention n°158 de l’OIT et à la Charte sociale européenne. Toutes deux ratifiées par la France, elles imposent que soient appliquées des "indemnités adéquates" et une réparation "appropriée". Ces jugements constituent la première brèche dans l'édifice mis sur pied pour "sécuriser" les employeurs.